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Les textes de Josée


Sans trop savoir ce que ces mots signifient je crois pouvoir dire qu'écrire était ma vocation première: je me sentais née écrivain! Après tout ,mes tableaux sont certainement les traces visibles d'une écriture à l'air libre, directe, heureuse et protégée et je ne ferai pas l'historique d'une vocation contrariée dès l'origine, des interdits les plus invraisemblables qui pèsent sur elle depuis le départ, des coups durs à répétition tout le long du parcours, pas plus que de l'insatisfaction qui en résulte pour moi, enfermée dedans comme s'il s'agissait de la pire maladie.

Il n'empêche que, satisfaisants ou non, en dépit de longs silences, les textes ont fini par s'amonceler. A moins qu'il ne s'agisse toujours du même, indéfiniment repris au fil des années ? On ne peut pas se lire soi-même...

Justement c'est là le piège! Quand nous avons ouvert ce site j'ai pensé à lever le voile ,à leur rendre leur envol en les donnant à lire à ceux qui voudraient bien me faire la grâce d'un petit bout de route - ou de souffle - ensemble. Mais la page restait vide! ( Ceci n'est qu'une première confidence)

Allez trouver quelque chose dans ce fouillis de tapuscrits jaunis alors que vos lunettes ne vous suffisent plus depuis longtemps; rien n'est plus insaisissable qu'une feuille volante coincée dans une meule de feuilles semblables! Lire, impossible décryptage ,surtout que je déteste tous les retours en arrière! A plus forte raison relire . Relier les écrits -ou les instants - entre eux par-dessus le flot des années. Choisir lesquels offrir, donc lesquels exclure, lesquels faire taire...

 

Voilà qui est maintenant fait. Deux textes sont en ligne.. Différents l'un de l'autre parce que correspondant à deux parties de la même vie

 

"EN ETRANGERE JE SUIS VENUE ou DU CRI NAÎT LE REGARD" terminé dans les années 70 correspond aux années de formation: l'être tourné vers l'avenir rassemble les pièces du puzzle qui lui servira de bagage . 

Premières lignes:

Impression nocturne: Impossibilité d'arracher mon regard aux eaux incertaines dans lesquelles il s'absorbe. Là, ramassée, se décrivant exactement, la présence de la vie en moi comme un tout.Ces eaux sous mes yeux, où s'écartent mes paupières, et, en même temps , l'élément fluide qui me compose... Une chute soudain. Image verticale qui s'y répercute comme un cri. Puis plus rien; se referme le plat silence des eaux immobiles .Qu'était-ce?

 

Le cadre aurait une saveur d'éternité: quatre poules blanches tournant en rond sur une place de village et les saisons tournant au ciel au-dessus des grands arbres - une odeur de printemps déjà, le ciel en couleur, des gerbes de moineaux. Un grand calme humide et frais, avec le chant des bouilloires dans les maisons et le bruit sec de ma boîte aux lettres se refermant sur son propre silence, verdict de solitude puisque ,si les réponses arrivent, c'est toujours avec retard!

Entre les carreaux de vitre nue le bois de la fenêtre forme une croix étrange, haute, sombre sur fond de brume gris perle, fascinante et tragique dans cette lueur d'outre-monde. Les branches du tilleul, tout contre, ont la solennité d'une longue main ruisselante qui écarterait l'eau du Temps. Verticalité muette, froide, qu'éclaire encore un peu par le bas, de plus en plus imprécise, la fumée verte d'un pré perdu.

Deux pièces très longues aux murs nus entre de hautes fenêtres étroites, en contre-bas d'un village dont tout le poids d'ombre s'abat sur l'une des vitres pour venir s'écraser sur celle d'en face avec la lividité d'un linge. La dernière porte refermée, le dernier ami parti, la fièvre creuse mes orbites.

 

Présence à moi-même physique strictement, et encore! du dedans les contours sont difficiles à saisir. La plaque d'azur vide entre deux blocs de nuages maintenus à distance par des vents contraires formera l'image de la boîte crânienne - les tiraillements serviront pour le remplissage des membres - la cage thoracique a déjà pris les dimensions de la boîte aux lettres: elle s'étrique, le souffle y bute de plus en plus péniblement.

Au centre de mes insatisfactions, cette quasi inaptitude pour la position assise, à moins que ce ne soit à l'intérieur d'un mouvement: balancement d'un véhicule, va-et-vient de la conversation, ou bien en train d'observer, projetée dans un mouvement extérieur. Ma vie se passe soit en marche pour distraire l'insupportable démangeaison, soit allongée, en état de dilution...Ignorerai-je toujours les positions solides, le rassemblement autour d'un axe?

J'ai bu plus de café qu'à l'ordinaire, cet après-midi. Peut-être cela explique-t-il cette tension enivrante, cette sensation envahissante soudain de n'être qu'un tissu de vie, compacte et tiède, ramassée sur elle-même au point précis où mes doigts entrent en contact avec le stylo: ce soir il me procure la même jouissance mais par un processus inverse ,que la cigarette où viennent se chauffer les muqueuses quand elle s'est déjà longuement déroulée en fumée, qu'il faut deux doigts pour la tenir et qu'elle brûle presque.

Alors, que s'exprime le lyrisme! J'aime la vie avec passion - et un grand étonnement - en même temps qu'en profondeur. L'épeler image par image! Pousser ses rameaux dans tous les sens! Restent les postes restantes! Multiplier les cartes postales, les répandre aux quatre coins de l'univers! Planter très lucidement la flèche de sa constance au coeur des sables, s'y rassembler de pied ferme, tenir fichée. Ignorer de volonté forte le vide que l'esprit ne peut pas ne pas voir. Entre autres jeter cette lettre dans les sacs du vent! Lettre d'humour.

Mais qu'avons-nous tous à tourner dans nos cages de verre? A propos, est-il utile qu'il sache que l'image de lui dos tourné, cognant de tout son poids contre la vitre pour fuir mes propos, s'ajoute à mes blessures? Je danserai jusqu'au bout la danse de l'air libre, me ferai aguicheuse s'il le faut! Seulement eux, et pourquoi? fuyant ce spectacle, dépolissent les vitres de leur prison si bien qu'entre leurs cages peintes la mienne s'obscurcit malgré la transparence de ses murs.

...

...Je veux vivre l'altérité! Délire de possession? Non! être l'autre!...

En remontant aux premières fièvres... On m'appelait encore une petite fille. La tache d'encre exerçait une fascination sur moi. Son soleil noir me paraissait la seule justification possible de toute vie; je m'y vouais. Je m'absorbais en elle - la griffais de nervures qui, destinées à irradier, devaient faire éclater le centre obscur, me projeter hors de lui, mais qui , me tenant dans leurs mailles, m'y renvoyaient bientôt creuser un passage.

Je fus brutalement mise en présence d'une candide écriture violette en parfaite harmonie avec la clarté de la page. La petite créature à qui elle appartenait était douce comme un été finissant et paraissait respirer paisiblement à toutes les heures de la journée dan son sage tablier. Comme si de rien n'était! Elle formait un univers en soi, étranger à mes tracés aussi noirs qu'inévitables et leurs arcanes. Un monde de lumineuse simplicité avec la légèreté et la blondeur des pailles. Monde parallèle, proche et inaccessible. Un monde autre. Première reconnaissance, première marche dans le désert, première mort de soif devant la source. L'autre, à jamais!

Plus loin...

Brin à brin, brassée par brassée, de la forêt de bâtons dont l'enfant penché sur l'immense mystère avait couvert la page de son cahier, a jailli l'image du chiffre. Le chiffre à l'assaut d'espaces inconnus, insaisissable comme l'éclair, réel et fugitif comme l'oiseau. De chaque côté de la route, au sommet de la colline et de collines en collines, au grand livre des brins d'herbes et des barres de pluie, belle écriture souple: des bûchettes pour compter le Temps dont le chiffre ne sera jamais donné...?!

Passée l'innocence, trop de manières de rapprocher les signes depuis l'ombre ocellée des tonnelles du grand jardin légumes et fleurs où j'ai grandi! Déjà, du fond de la coïncidence,quand le regard et l'être de terre, de tiges , de feuilles et de corolles ne faisaient qu'un, s'agitait la paix illuminée des allées. Ce n'étaient que de petits bouts de chemin où passait le lézard, comme se posait l'oiseau: hors du Temps. Leur fuite était chargée de vibrations qui semblaient faire écho aux grands arbres du fond dans le ciel nu . Des chemins qui menaient où? Le premier trait était jeté, dessin de quelle nostalgie inexpliquée?

Sources, humus, feuillages et sèves, sables, pétales et pailles, pourrissements, distillations, exhalaisons, souffles, palpitations, froissements, et bourdonnements, le jardin débordait sur lui-même. Une vaste respiration, échange de jeu de balles où, au gré des rapprochements floraux, me renvoyait ma myopie, plongeant au plus profond des verts dans les bleus et les mauves pour remonter dans l'incandescence des rouges vers la subtilité des orangés et des blancs à la crête des jaunes les plus légers et se perdre dans la lumière. Déjà l'appel des corbeaux creuse l'azur...

Un cri au goût d'encre, d'où naquit un capiteux éclair de déchiffrement. Précis comme un trait, il contenait le dépouillement des neiges . Il m'a déshabillée et tirée du flou des fusions heureuses. Par lui se fit si pressante la question informulée qui me jeta sur la route des signes. Je le reconnais toujours ,il me fait encore dresser la tête au plus profond des villes où je marche: ce n'est que pour rendre toute son acuité à mon attention et, à défaut d'autre chose, me ramener aux dessins compliqués des taches sur les murs, aux reflets sur les vitres, aux mouvements fins de l'air ou que sais-je?

Du cri est né le regard.

Se diversifiant, s'est purifié à l'extrême le moelleux paradis dont le sol s'est brusquement fendu amenant à la lumière le plus petit caillou, la plus légère brindille, éclairant leurs rapports mêmes. Se sont découpées chaque tige, chaque feuille. A basculé le mur parcouru de mousses et de rais de soleil et s'est dressé face à moi définitivement seule, que les choses ne demandaient qu'à reprendre et engloutir à nouveau, mais qui savais! Qu'est-ce à dire? J'aimais; j'aime d'une ferveur qu'exalte le cri du corbeau qui appelle à rassembler pour emporter avec lui au miroir d'azur, purifiés de toute gangue, les joyaux du délicieusement palpable ici-bas.

... J'accepte enfin ces mains oisives, vouées à ma seule lecture, signes parmi les signes , comme vidées tout à coup, posées sur la feuille nue comme elles mais où ne bat aucun sang et j'y rassemble mon désir qui doit devenir assez fort, qui vaincra!

Le cri m'a glacée, le parfait hiéroglyphe pas encore déchiffré.

Le pied pris dans le vitrail, la petite fille ignorait tout de la magie des chatoiements qui convergeaient vers elle, qu'elle émettait peut-être. Le dedans et le dehors se confondaient en un même souffle à l'intérieur duquel elle était comme hors de son existence propre jusqu'à ce que le cri lui parvienne. Le message l'a saisie: le jardin reposait si bien en soi-même, si tangiblement tout à coup! Etaient-ce des allées pour sortir de la vie?

L'appel où se fige le récit du voyage entre deux mondes contenait un venin assez puissant pour inoculer la paralysie de l'hiver au coeur de l'été, en même temps que cette ardeur de bête sauvage pour le vrai réveil, le vrai printemps, car, non! ce ne pouvait être un cri de mort! Sauver! Il fallait sauver tout! Crever le voile. Sauver l'instant multiple.

Là apparait le chat qui l'incarne.Le chat aux cosmos, chat qui pêche, chat qui bêche, le chat guêpe, le chat des métamorphoses. La main plonge dans le pelage, s'y électrise, s'y coule, oublie. Le chat des connivences! La main repose au coeur du monde. Le chat et les lilas, chant du paradis perdu: on baigne dedans mais on n'arrache pas leur secret aux yeux du chat! La main amoureuse est passionnée, elle est devenue jalouse. Familiarité et absence. Nul ne sait ce que la parfaite image des premières projections , cette petite fille et son chat, renferme de souffrance et de bonheur inavoués. Assez de féline aptitude à la vie immédiate, pelotonnée et jouisseuse chez l'enfant, trop de cette superbe et divine indifférence, de cette distance qui scelle l'éternité au coeur du fugitif, chez le chat, la vrille du regard de la petite fille ne tendant peut-être vers rien d'autre que le secret immanent dans les prunelles vides de son compagnon qui épousait l'instant.Chat muet, nous eûmes bel et bien nos noces. Notre planète ferme et nous dérivons à travers les mêmes obscurs étrangers espaces.Tu colles si bien au décor! et sous ton regard la scène parait vide!

Juste derrière le mur passait la route...

La "biobiographie" se poursuit sur quatre-vingt pages, à travers les différentes errances ou voyages de la vie , jusqu'au moment de l'entrée en peinture et de notre rencontre. Elle était précédée d'un " Avertissement au lecteur" que je ne résiste pas au plaisir de vous faire lire pour les similitudes qu'il offre avec ce que j'exprime aujourd'hui, une fois le parcours bien engagé:

Ne soyons pas dupes, ce texte ouvert comme une aube qui pourrait ne jamais finir peut être pris comme une invitation au voyage ou tomber à l'eau!Il n'a pas plus de prétentions que le miroir où tomberaient les images d'une vie qui tend à se dépouiller de plus en plus de l'anecdotique. Images empruntées à la réalité du rêve comme à celle des paysages réellement traversés, derrière lesquelles se cherche quelqu'un qui ne veut pas intervenir...Ce texte est une écoute. Il n'a rien de cérébral et doit décourager les amateurs d'enchaînements logiques. Son seul souci est souci d'authenticité. Il invente sa propre forme à mesure que, hésitant, se dessine un fond. Sa seule ambition: s'ajuster au plus près à un ordre organique personnel plus éloigné du hasard qu'il n'y paraît à première vue - marque au contraire d'une tentative de rendre évidents des déterminismes plus subtils qui ne peuvent pas être consignés noir sur blanc sous peine de perdre leur mobilité.Il commence une spirale aux ramifications juste suggérées qui est la trace d'une " manière d'être au monde ". Qu'il s'agisse de la mienne importe peu dans la danse des vivants et des morts - c'est pour moi la justification de cet acte d'écrire sans lequel vivre ne m'intéresse pas. Ce peut être beaucoup plus: une invitation à la danse ( comme je rêve d'en recevoir ) ou tomber à l'eau.

 

 

 

"SURVIVANCE ou NOTES POUR DES SAISONS INACHEVEES" ne renie en rien ce qui est dit là, au contraire! Il s'agit toujours de ce que j'appelle écriture ADN ou écriture-jazz, suivant qu'on se réfère à la source de l'inspiration ou à son écoulement. Il se termine en 2001 et s'écrit dans un autre temps, au fur et à mesure que la vie s'exprime . Si vous voulez partager nos instants, comprendre de l'intérieur comment se vit une vie de peintres à deux, vous commencerez par lui. Il peut être téléchargé en ligne mais vous pouvez aussi le toucher et obtenir un exemplaire-papier chez son éditeur MANUSCRIT DEPOT  http://www.manuscritdepot.com/a.josee-berthelet.html  

 

 

 

Rien n'est achevé, la vie continue!

Vous l'avez compris, ce site n'a pas plus de prétentions qu'une carte de visite. Je me contenterai de vous souhaiter une agréable lecture... En sachant que notre vie, notre peinture et l'écriture ne sont qu'une seule et même chose sinon qu'il est plus difficile de mettre en ligne un millier passé de tableaux que trois ou quatre centaines de pages d'écriture!

 Notre principal but est d'échanger avec vous, écrivez-nous ! vous nous ferez plaisir!

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